Ce matin je me suis levée, je me suis douchée, je me suis habillée, je me suis déshabillée, j'ai enfilé quelque chose de plus confortable et j'ai rien branlé. Aujourd'hui, j'ai passé la journée devant la télé à fumer et boire. Passionnant j'dirais.

Dans la soirée, j'ai repris quelques écris que j'ai fait récemment, je les trouve absolument nuls. Vraiment, je crois bien n'avoir jamais écrit une aussi grosse merde auparavant. Tout va bien. C'était tellement chiant que je m'en suis endormie, la table basse encore en bordel. Rien qui change vraiment de l'ordinaire. Il fallait bien que je finisse par tomber de toute façon, vu tout ce que j'ai avalé. Alambic que je suis.
Évidemment, c'est toujours quand on dort le mieux et que le rêve est sympa qu'il y a toujours un couillon pour te réveiller. C'est qu'il s'excite sur la sonnette en plus, putain ! Je grogne en me redressa, embarque mon verre de whisky encore à moitié plein, jette mes papiers dans le casier de mon meuble télé et ouvre la porte brusquement. Moi, mon verre, mes cheveux en bataille, ma nuisette blanche, sa culotte assortie, mon maquillage de ce matin. Mara-Luz.

« Tiens, voilà ce que le "bon Dieu" ramène à ma piole. Dis-donc, c'est pas Noël au moins ? »

J'étais bien surprise de la voir se ramener ici après ce qui s'est passé la dernière fois. Elle m'a manqué, mais je ne le lui montrerais pas. Je ne sais pas faire ça. Je pense que même un rocher est plus émotif que moi sur certaines choses. Elle a l'habitude, je passe ma vie à plaire aux gens parce que je suis désagréable.
Je la bigle un instant avant de lever mon verre pour boire l'alcool qui me maintient en vie. Sans ça, je me serais flinguée depuis belle lurette déjà. Je ne sais pas vraiment si je dois la faire rentrer, elle vient peut-être juste récupérer quelque chose. Alors je pose ma main contre le montant de la porte pour m'y appuyer en la fixant dans les yeux, attendant qu'elle se décide à me dire ce qu'elle voulait. A l'intérieur, elle peut l'apercevoir depuis la porte, c'est le boxon total, des verres, des cadavres de bouteilles, des livres, des fringues sont éparpillés un peu partout. Parfois je prends le temps de ranger. Parfois.

« Je ne suis pas vraiment sur que ce soit Dieu...mais le taxi qui m'a déposé devant ton immeuble avait un chapelé pendu à son rétroviseur. »

Je la regardais avec un air de "bordel mais tu fais exprès ou quoi ?", des fois j'ai l'impression qu'elle n'a toujours pas l'habitude de la façon dont je parle. Elle a mis un certain temps - ou un temps certain - à ENFIN réaliser que je n'attendais pas d'explication de ce genre là. Franchement, je m'en fous du taxi.
Alors que je la fixait, elle tanguait et ne mis pas bien longtemps à me sortir, comme ça, que j'ai une mine affreuse. Je passais ma main sur mon visage avec un air un peu désespéré. Désespéré pour elle. La gueule que je peux tirer, je m'en fiche un peu.

« Tu déconnes, là ? T'as vu l'heure qu'il est ? Tu m'as réveillée, abrutie. »

Abrutie est un très petit mot, pas forcément gentil, mais avec moi il faut se réjouir de ne pas avoir eu pire. Elle a quand même de la chance que je suis à peu près d'humeur correcte, sinon j'crois que je lui aurait fait bouffer la porte. Je ne suis pas du genre qui se vexe facilement, c'est déjà ça, non ?

« J'étais venue te parler du paragraphe deux de la page 76 dans le chapitre quatre dans ton premier bouquin... »

Oh non, mais elle est sérieuse là ? Je soupire, vaguement agacée. Faut toujours qu'elle revienne avec les livres, elle veut toujours parler de mes livres, elle les connait encore mieux que moi. C'est quoi son problème putain ? Je m'apprêtais à me reculer et lui claquer la porte au nez lorsqu'elle repris la parole pour dire quelque chose de déjà moins chiant : elle a envie de m'embrasser et je la fixe dans les yeux.
Décidément, je n'arriverais jamais à la virer pour de bon. Ses grands yeux finissent toujours par avoir raison de moi. Ça m'énerve de ne jamais réussir à me détacher d'elle pour de bon. J'ai l'impression qu'elle arrive à me tenir par la pointe du cœur pour m'empêcher de me détacher d'elle pour de bon. Pourquoi elle fait ça ? Je soupire.
Je l’attrape par le poignet et la tire à l'intérieur pour pouvoir fermer la lourde.

« J'aimerais qu'on passe par la case " agréable " sans passer par la prise de tête, si possible. Qu'est-ce que t'attends pour m'embrasser ? » lui dis-je en l'attrappant par la taille pour la ramener contre moi.